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10 avril 2015

Carnet / De l’étendage

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Étendre du linge et des draps dans la lumière d’une belle journée réveille toujours en moi mes premiers souvenirs poétiques.

Enfant, je m’attardais souvent au milieu de l’étendage où j’entrais comme par effraction dans un monde de silhouettes furtives, dans une cabane aérienne. C’était comme ouvrir la porte d’un nuage parfumé où je pouvais me promener. « On t’a vu ! » disaient les adultes qui me croyaient trahi par mon ombre alors que je ne cherchais pas à jouer à cache-cache.

Aujourd’hui, à bientôt cinquante-six ans, c’est pour moi la même sensation, intacte.

L’étendage est un espace-temps miniature, un monde intermédiaire qui rend l’instant habitable. Le temps, à l’instar des étoffes, peut y être lui aussi suspendu. On le voit par exemple dans le film d’Ettore Scola, Une Journée particulière, dans une séquence où Sophia Loren et Marcello Mastroianni dialoguent au milieu du linge étendu sur le toit d’un immeuble. J’ai aussi en mémoire le début d’un de mes films fétiches de Federico Fellini, Amarcord, qui commence par des draps qui bougent dans le vent.

La lessive confiée à l’air et à la lumière a toujours fait pour moi référence à la joie, même dans les périodes de doute ou de désarroi.

C’est après avoir suspendu une lessive dehors que j’avais écrit ce texte intégré à mon recueil L’Alerte joyeuse, dans les années 90 :

Avant le linge et les draps rendus au vent utile, j’avais oublié la présence de l’air.
Est-ce possible ? Autant ne plus se souvenir de vivre ! Qu’est-ce qui peut distraire quelqu’un de la présence de l’air ?
Peut-être quelque chose ou quelqu’un d’autre qui n’existe pas mais qui règne.
Peut-être un vide qui prend toute la place, y compris celle de l’air ?
Linge et draps de ma maison, étendards de mes retrouvailles avec l’air, voiles de mes départs et de mes retours, montrez-moi qui, de mon ombre ou moi-même, sait le mieux habiter le courant des nuages.

(© Éditions Orage-Lagune-Express, 1997)

01 avril 2015

Carnet / De mon dernier rêve, de l’Office des Ténèbres et du rêve de Géronte

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Je trouve les rêves de vol plutôt agréables mais pas celui-ci. Je ne me préoccupe guère de mes rêves nocturnes et je m’en souviens rarement, leur préférant de beaucoup ceux que je conçois éveillé, surtout depuis toutes ces années où mon sommeil est léger et de mauvaise qualité. En tous cas, je n’ai jamais fait un tel rêve et j’espère que cela ne se reproduira pas.

Vendredi 3 avril, je retourne à Genève écouter Florence Grasset et ses collègues de l’ensemble Ebalides avec au programme de ce concert en l’église de la Sainte-Trinité la Première Leçon de Ténèbres pour le Mercredy de François Couperin et le Miserere (Miserere mei Deus secundum à voix seule) de Michel-Richard Delalande, des musiques d’actualité en cette Semaine Sainte.

La veille, jeudi, une escapade à Lyon pour acheter les chocolat de Pâques chez Voisin et pour me procurer une version de The Dream of Gerontius de Sir Edward Elgar parue chez Chandos. En plus de mon goût très marqué pour la musique d’Elgar, je suis fasciné par un passage du livret, celui où l’âme du défunt Gerontius ne supportant pas la vue de Dieu  et demandant elle-même son envoi au purgatoire s’entend répondre par l’ange gardien qui l’accompagne dans son voyage dans l’au-delà : « Adieu mais pas pour toujours. »

Même pour moi qui ne suis pas croyant, c'est cela l'esprit de Pâques : « Adieu mais pas pour toujours. »

 

28 mars 2015

Carnet / Petites et grandes lectures

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Le message est clair pour n’en être pas moins subliminal : un sportif ne peut pas être complètement mauvais ou fêlé. S’il est sportif, c’est qu’il est sain de corps et d’esprit, point final, même si l’enquête commence à esquisser un profil tout différent (la dépression, le burn out, la phobie, le tout couronné par une rupture sentimentale), autant dire un cocktail plutôt détonnant, si j’ose dire, pour un pilote de ligne.

Ce qui n’empêche pas les commentateurs de répéter à chaque nouvelle édition du journal : « c’était un sportif » , « et pourtant, c’était un sportif » . Eh oui, comment a-t-il pu commettre un  acte aussi aberrant puisqu’il était sportif!

Le préjugé favorable aurait sans doute été tout autre si l’enquête avait établi que cet individu écrivait de la poésie ou des romans pendant ses loisirs ! Dans ce cas, il aurait été beaucoup plus commode d’évoquer « une personnalité introvertie, un caractère taciturne, des difficultés relationnelles... » Mais non, zut alors, c’était un sportif ! Décidément, c’est incompréhensible !

Dans un autre registre, plus souriant cette fois, la presse écrite (excellent combustible). Avant de jeter un journal aux flammes de mon insert, un titre de une me passe sous les yeux : « Il a abandonné l’Église pour l’amour » avec la photo d’un ancien prêtre en train d’embrasser sa compagne. Enfin une bonne nouvelle !

Oublions maintenant la presse et revenons aux livres, histoire de me divertir en comptant combien d’« amis Facebook » vont me supprimer de leur liste en apprenant qu’après ma lecture toute récente du Choc des civilisations de Samuel P. Huntington et de L’identité malheureuse d’Alain Finkielkraut, je considère ces deux ouvrages comme essentiels à l’analyse et à la compréhension de ce qui nous arrive, au niveau planétaire d’une part et à l’échelon national d’autre part. Le compteur est lancé !